Discernement et détermination

Pierre Marcotte, auteur

« Je me suis installée confortablement, la semaine dernière, avec l’intention d’écrire ma liste d’objectifs pour 2011 – incluant les 42 506 projets qui virevoltent dans mon esprit depuis des années, les 5 820 nouvelles idées qui se sont récemment pointé (sic) le bout du nez, et les 245 visions que je venais d’avoir entre deux respirations.

Mon niveau de stress s’est mis à monter dès que j’ai commencé à faire bouger mon crayon. Une petite impatience est ensuite venue me visiter, suivie d’une drôle d’émotion qui ressemblait – est-ce possible – à la frustration.

Après moins d’une minute en tête-à-tête avec ma pléthore d’objectifs, une chose est devenue extrêmement claire à l’intérieur de moi sans même que j’aie à y penser: j’ai réalisé que mon but premier pour la nouvelle année est simplement de continuer à me sentir de plus en plus vibrante, sereine et comblée, en réalité. C’est ce que je veux vraiment, toutes catégories confondues, au-delà de tout ce que je pourrais imaginer.

Alors voici ce que j’ai fait: je suis allée chercher une nouvelle feuille, j’ai agrippé le crayon que je venais de déposer, et j’ai plutôt commencé à faire la liste des 266 934 raisons pour lesquelles ma vie est déjà extraordinaire – exactement telle qu’elle est. ;-) » [Charron 2011]

Avoir suffisamment de discernement et de détermination pour travailler sur l’essentiel n’est pas une mince affaire! Visualisons qu’une case horaire de notre agenda soit libre et qu’il nous faille faire un choix. Ce petit intervalle de temps peut être employé de mille façons. Que nous l’utilisions pour une petite tâche routinière va souvent de soi, est inévitable et nous demande peu. À l’opposé, nous pouvons entreprendre un projet d’envergure et dans pareil cas, cela nécessite une grande mobilisation et beaucoup d’énergie. Toutefois et heureusement, même les plus longs voyages débutent par un premier pas, par une première case horaire.

Il y a donc mille choix possibles de remplir cette case horaire, et les choix ne sont pas toujours judicieux. D’ailleurs, lorsqu’un esprit est mal en point ou paresseux, il se laissera facilement séduire par des buts d’évitement. Cela se produit dans une situation où ce que l’on doit faire nous pèse et qu’une occupation plus facile prend soudainement une importance démesurée. Je dois absolument brosser mon chien !… plutôt que de répondre au courriel d’un collègue qui me pose une question difficile sur un sujet épineux. Et nous enchaînons d’insignifiants travaux les uns après les autres pour se retrouver en fin de journée un peu déprimé et déçu. Un ami me dit souvent « qu’il est parfois urgent de ne rien faire ». Voilà une alternative à considérer, soit celle de se reposer plutôt que de brosser le chien qui, au fond, peut bien attendre.

D’un point de vue plus global, nous expérimentons tous ces prises de conscience de notre espace intérieur, de notre niveau d’énergie et de ce qui qui occupe notre esprit. Ce lieu est en partie habité par les attentes que les autres ont envers nous et par celles que nous avons envers les autres. Depuis notre naissance la complexité de cet espace a cru et parfois le chaos s’y est installé subrepticement. Par manque de vigilance, il arrive que nous aboutissions dans un cul-de-sac. Nous sommes désemparés. Nous ne savons plus comment appréhender la réalité et devenons subjugué. On se demande alors par où commencer pour mettre de l’ordre dans nos idées. Faute de moyens, nous risquons de baisser les bras. Pourtant les moyens existent. Le plus difficile est de commencer, même très lentement. Saisir une idée, simple, y réfléchir et poser un petit geste pour éclaircir la situation. Se débarrasser de l’inutile et mettre de l’ordre.

D’ailleurs, s’il est certain que nous sommes sollicités par mille choses, comme l’exprime si bien Marie-Pier, il n’est pas sûr que le bonheur exige que nous en fassions autant. Pouvons-nous nous limiter et être heureux . Autrefois la vie était beaucoup plus simple qu’aujourd’hui. Cette croissance des possibilités contribue à nourrir notre crainte de ne pas tout faire, de passer à côté, de manquer le train.

Nous gagnons à éclaircir notre esprit, à soigner nos pensées, sans quoi il est difficile de discerner dans le tableau des milles possibilités ce qui a du sens pour nous. Et générer l’énergie nécessaire pour se mobiliser et réaliser nos rêves demande d’organiser notre vie en conséquence. La réussite n’est pas gratuite et demande un minimum de détermination.